Caractéristiques du Harrier
Type :
monoplace d'attaque et de reconnaissance ADAC/V ; appareil d'entraînement à double commandeMoteur :
un réacteur à double flux Rolls-Royce Pegasus 103 de 9 750 kgp à poussée vectorielleDimensions | Masses | |||
envergure longueur : - GR.3 - T.4 hauteur : - GR.3 - T.4 surface alaire | 7,60 m | à vide : - GR.3 - T.4 maximale |
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Performances | ||||
vitesse maxi à basse altitude vitesse maxi en piqué vitesse ascensionnelle initiale | 1 185 km/h | rayon d'action tactique en mission d'attaque en configuration hi-lo-hi distance franchissable en convoyage |
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Armement :
toutes les charges sont emportées extérieurement. Deux canons Aden de 30 mm approvisionnés à 150 obus peuvent être installés sous le fuselage. Cinq ou sept points d'attache (centrale et aile intérieure 907 kg ; aile extérieure 295 kg ; extrémité de la voilure pour les missiles air-air Sidewinder, utilisés pour la première fois pendant la crise des Malouines).: les secrets du vol vertical
Dire que la Grande Bretagne faillit faire l'économie du Harrier, en 1965, ne pleine période d'économie budgétaire ! Le gouvernement travailliste de l'époque préférait en effet s'en remettre à des achats aux Etats-Unis (il acquit notamment des chasseurs F-4 et des avions de transport C-130) plutôt que d'investir dans les projets aéronautiques nationaux. Le chasseur multirôles Hawker P.1154 était un de ceux là, une merveille de technologie qui pouvait décoller et atterrire verticalement (concept ADACV, STOVL en anglais), tout en étant capable d'atteindre Mach 2. Comme beaucoup d'autres projets (l'avion d'attaque TSR-2 notamment), il partit à la trappe pour mieux redécoller, dans une version dégradée, sous le nom de Harrier, au terme d'une décennie d'incertitude.
Invention française :
Dans les années cinquante, les militaires commencèrent à s'intéresser de près à des ADACV, déployables depuis des terrains sommaires situés sur la ligne de front. Ils redoutaient en effet que les grandes bases militaires ne soient la cible du pacte de Varsovie en cas d'attaque et las ADACV constituaient donc en ce sens la meilleure parade. Le Short SC-1, un ADACV à aile delta développé en Grande Bretagne, allait démontrer dès 1958, année de son premier vol les potentialités techniques d'un tel concert mais les décideurs gouvernementaux de l'époque pensaient pouvoir bâtire une défense moderne fondée sur les seuls missiles, comme le décrétait un livre blanc, paru en 1957. Les crédits pour les modèles d'avion étant donc rares, le projet Kestrel, l'origine du Harrier d'aujourd'hui, était parti en 1956 d'une collaboration entre les Etats-Unis, la Grande Bretagne et l'Allemagne (qui jeta l'éponge à l'automne 1965). Alors que ni l'OTAN, ni la France n'en avait voulu, les Britanniques avaient exploité une invention hexagonale du à l'ingénieur Michel Wibault sur la poussée vectorisé. L'originalité et l'ingéniosité du concept provenaient du fait que la propulsion, en croisière comme lors des phases de décollage et d'atterrissage, était fournie par un seul réacteur Rolls-Royce Pegasus dont les quatre tuyères d'éjection pivotaient de 90°, ce qui lui permettait une compacité importante au contraire d'autres projets d'ADACV qui allaient suivre. Le constructeur britannique Hawker Siddeley, leader technique du projet Kestrel, développa le P1127 qui vola pour la première fois en stationnaire le 19 novembre 1960, suivi d'un vol conventionnel en mars 1961. Neuf prototypes du P1127 furent produits ; deux furent utilisés en Grande Bretagne et six aux Etats Unis, principal bailleur de fonds du projet, sous la désignation XV-6 (le neuvième fut perdu lors d'un accident). Au vu des tests opérationnels, la Royal Air Force décida en 1967 d'acheter soixante P.1127, rebaptisés Harrier GR.1 (GR = Ground Attaque, reconnaissance = attaque au sol et reconnaissance), pour en faire le fer de lance de son aviation d'appui déployé en RFA. Soixante et un des soixante dix-huit GR.1 finalement convertis au standard GR.1A, par remplacement du réacteur Pégasus 101 (8 626 kg de poussée) par le Pégasus 102 plus puissants (9 307 kgp). Le GR.3 fut équipé d'un Pégasus 103 de 9 752 kgp et surtout, d'une avionique plus complète. Elle comportait notamment un télémètre-récepteur laser logé dans le nez de l'avion (ce que lui donne sa forme effilé caractéristique), et un détecteur d'alertes radar. La RAF reçut cinquante-six GR.1/GR.1A convertis à ce standard, plus trente six appareils neufs.Version américanisée : Pendant ce temps, lUS Marine Corps (USMC) avait commandé en 1969 douze Harrier GR.1 et cent dix exemplaires d'une version américanisée, l'AV-8A, construire sous licence par Mc Donnell Douglas, à Saint-Louis. Le Harrier était la machine toute rêvée pour équipé le navire amphibies des Marines, dépourvus de catapultes et de brins d'arrêt. Cet AV-8A se présentait comme une version dépouillée du Harrier GR. d'origine, dépourvue des systèmes de navigations et d'attaque. L'AV-8A reçut par contre un réacteur Pégasus 803 plus puissant (9 752 kgp). De surcroît, les pilotes du "Corps" avaient expressément demandé l'installation de missiles Sidewinders, pour le combat aérien (aussi incroyable que cela puisse paraître, les Harrier de la RAF ne furent jamais câblés pour le tir de sidewinders si bien qu'on dut les équiper en urgence lors du conflit des Malouines, en 1982) et d'une perche de ravitaillement en vol fixe, montée sur le côté gauche.
A la fin des années 70, quarante-sept exemplaires furent rétrofités au standard AV-8C, par l'installation d'équipements de guerre électronique (détecteurs d'alerte radar et lances leurres).
Les Marines redemandes du Harrier : L'USMC n'était pourtant pas complètement satisfait de sa nouvelle monture. La vision vers l'avant et l'arrière était médiocre, et la conduite de la "bête" en vol n'était pas simple, ce qui conduisit, aux Etats-Unis, comme en Grande Bretagne d'ailleurs, à plusieurs accidents en vol, évidemment imputés par les constructeurs aux seuls ... pilotes. Les deux pays se lancèrent donc dans un programme d'amélioration, l'"Advanced Harrier", censé régler ces problèmes de jeunesse et augmenter la capacité d'emport. La Grande-Bretagne se retira du projet en 1975, et les Marines durent eux-même revoir leurs ambitions à la baisse. L'AV-16 (deux fois la capacité d'un AV-8), un super Harrier complètement redessiné, ne donc jamais le jour, au profit de l'AV-8B Harrier II, proposé à la fois par Mc Donnell Douglas et BAe. Le contrat initial quasiment tenu puisque le rayon d'action (1 173 km) et la charge utile (4 173 kg) sont doublés par rapport à l'AV-8A, grâce à une aile réalisée en graphite et résine époxy, et la capacité en carburant améliorée (+50%).
Le design de l'aile lui-même e été identifié, avec l'adjonction d'un apex (LERX, Leading Edge Root-extension), suite à des études menées par BAe pour augmenter l'agilité déjà légendaire du Harrier du base. Par ailleurs, les deux balancelles ont été recentrées sur le bord de fuite de l'aile, ce qui permit l'installation de deux pylônes d'emport supplémentaire, soit huit points au total. Le système canon a été repensé lui aussi : le GAU-12/U de General Electric, un engin rotatif à cinq tubes de 25 mm, est monté en pod sous le fuselage cité gauche, les 300 coups étant hébergés le pod droit. Ce dispositif demandé par les Marines permet de recharger beaucoup plus rapidement l'avion en obus, par simple remplacement du pod droit. La RAF a pour sa part conservé l'ancien système avec deux pods-canon Aden de 25 mm.
L'AV-8B dispose pour le tir air-sol de l'ARBS (angle rate bombing system) fabriqué par Hughes, un système combiné de visée qui comprend un détecteur de signal laser couplé à une caméra TV. L'ARBS permet le tir de missiles et de bombes guidées laser, en automatique ou en manuel. Enfin, la perche de ravitaillement en vol, fixe sur le -8A, devint rétractable sur le -8B.
Le Harrier II est également équipé du HOTAS (Hands on Throttle and Stick), concept développé initialement pour le F-15.
Capacités nocturnes : Le seul point de mécontentement provint de la limitation de la vitesse à Mach 0,9 (contre Mach 1,5 sur les Harrier précédents) : en effet, le surcroît de puissance du réacteur Pégasus 105 (+0,8%) ne compensait évidement pas l'embonpoint (de 1 à 2 tonnes selon les configurations) pris par les Harrier II. C'est notamment pour cette raison qu'en 1981, la RAF ne décida qu'à reculons d'aquérir 60 Harrier II sous le nom de GR.5, au détriment du Harrier 5 sur lequel BAe avait travaillé sans succès. L'USMC, pour qui l'AV-8B avait donc été en partie conçu, perçut le premier de ses 336 appareils en 1984. A partir de 1990, certains de ces appareils ont reçu une capacité nocturne grâce à un FLIR (Forward Looking Infra Red) monté dans la pointe avant (standard GR.7 dans la RAF). Des lunettes de vision nocturne ont également été utilisées par les pilotes pour assurer ce type de mission, lors de la guerre du Golfe.
Les besoins opérationnels de l'USMC ont conduit à la définition d'un ultime standards, l'Harrier II+, le premier de la gamme à être équipé d'un radar. Il emporte l'APG-65 (celui du F-18 de première génération), qui permet des capacité accrues en mode air-air et air-sol, autorisant le tir de missiles air-air AIM-120 AMRAAM et missiles antinavires AGM-84 Harpoon.
Exportations limitées : Malgré toutes ses qualités, le Harrier est resté en échec patent à l'exportation, avec une centaine d'exemplaires produits. Curieusement, les versions achetées n'ont pas été utilisées à terre, mais sur des porte-aéronefs. En 1972, l'Espagne franquiste fut la première à s'intéresser au Harrier (sous la désignation VA-1 Matador), pour équiper le porte-avions Dedalo, remplacé depuis 1988 par le porte-aéronefs principe de Asturias, qui peut embarquer 12 Matador et une quinzaine d'hélicoptères. Pour des raisons politiques, les 13 Matador commandés (onze monoplaces plus deux biplaces) furent achetés en Grande-Bretagne par les Etats-Unis, mis au standard AV-8S par par Mc Donnell Douglas, et réexportes ensuite en Espagne. L'Arma Aerea de la Armada, l'aéronavale espagnole, s'est également intéressée à l'AV-8B Harrier II+ (rebaptisés Bravo), dont 18 exemplaires ont été commandés.
L'AAA s'est, l'an dernier dessaisie de neuf Matador (dont deux biplaces), rachetés par la Thaïlande pour équiper son nouveau porte-aéronef, le Chakkinauebet, fabriqué par Bazan en Espagne sur le modèle du Principe de Asturias.
Le dernier acquéreur est l'aéronavale italienne qui dispose depuis 1985 d'un porte-aéronefs, le Giusseppe Garibaldi. Des essais furent effectués en 1988 avec des Sea Harrier, des Matador et des AV-8B, modèle qui furent finalement retenu. Dix-huit AV-8B Harrier II+ (dont deux biplaces) ont été livrés de 1991 à décembre 1997. Treize appareils ont été assemblés en Italie par Alenia, Fiat Avio assurant le montage des réacteurs F-402-RR-408. Oto Breda a fourni les canons de 25 mm, FIAR assurant le montage des radars APG-65.
Les Harrier II+ italiens et espagnols ont la capacité AMRAAM et Harpoon.
Du Harrier au Sea Harrier : Dès le départ, le Harrier avait été imaginé pour servir embarqué sur porte-avions. Le P.1127 avait effectué une campagne d'essais sur le HMS ? Royal, en 1963-1964, et le défunt P.1154 aurait dû avoir un dérivé naval, le P1154RN (La marine française s'est un temps intéressée au concept puisqu'un Harrier GR.1 a effectué des essais sur le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc en octobre 1973). En novembre 1972, la Royal Navy demanda à Hawker Siddeley de dériver du GR.1 une version embarquée destinée à équiper une nouvelle classe de petits portes-avions jaugeant 20 000 tonnes (soit le quart du Nimitz américain). Convaincue par les proposition de BAe, la Royale Navy commanda en mai 1975 2 Sea Harrier FRS1 (FRS = Fighter, Reconnaissance, Strike = chasse, reconnaissance, attaque), dont le prototype vola le 20 août 1978, l'entrée en service intervenant le 18 juin suivant. Outre une pointe avant repliable, la principale modification provenait de l'installation d'un radar à modulation d'impulsion, le Blue Fox de Ferranti. Dérivé du radar Seaspray équipant les hélicoptères Lynx de la Royal Navy, le Blue Fox n'avait aucune capacité de détection vers le bas, et sa portée restait modeste pour assurer les missions CAP (Combat air patrol = défense aérienne du porte-avions). De fait, lors de la guerre des Malouines, ce furent parfois des hélicoptères Sea King, équipés d'un radar, qui donnaient les caps d'interception, les pilotes s'en remettent la plupart du temps à ... leurs propres yeux !
A l'instar des Harrier américains, le Sea Harrier emporte deux AIM-9L Sidewinder (puis quatre depuis les Malouines), en plus des deux bidons de carburant. Quarante-cinq exemplaires ont été produits pour la Royal Navy, ainsi que huit autres, pour la Marine indienne qui a opté, elle, pour missiles français Magic. Cette flotte a ensuite été portée à vingt-deux machines monoplaces. La Marine indienne a par ailleurs acheté, en septembre 1997, à la Royal Navy deux biplaces qui seront reconditionnés par British Eérospace avant livraison en cours d'année 1999.
Une force conjointe de Harrier : A partir de 1986, la Royal Navy a commencée à percevoir le FRS.2 (redésigné ensuite FA-2 pour Fighter Assault-2), un nouveau standard équipé du radar Blue Vixen plus moderne, compatible avec les missiles air-air AIM-120 AMMRAAM (jusqu'à quatre) et antinavires, Sea Eagle ou Harpoon. Malgré leurs bons et loyaux services aux Malouines, les FRS.1 semblent en avoir été limités, en capacité d'emport (deux Sidewinders) et de détection, comme on l'a vu. Pour des raisons d'économie, la Royal Navy a limité le nombre d'avions neufs à une dizaine, en rétrofitant 29 FRS.1. Equipant les squadrons 8700, 801 et 899, tous basés à Yeovilton, ces appareils sont embarqués sur trois portes-aéronefs : les HMS Invincible (entré en service en mars 1980), Illustrious (juin 1982) et Ark Royal (juillet 1985). La revue de défense stratégique, dont les résultats ont été annoncés par le Ministère britannique de la défense e juillet dernier 1998 va va quelque peu modifier cette organisation. Pour des raisons d'économie, les 50 Harrier GR.7 de la RAF et les Sea Harrier FA.2 vont en effet être fusionnés dans un structure commune, la "Joint Force 2000", déployable à partir des porte-aéronefs ou des bases au sol. Outre ce réaménagement de structure, 9 GR.7 seront mis sous cocon.
Missions de combat : En mai 1982, suite à l'invasion des Malouines par les Argentins, 28 Sea Harrier et 10 Harrier GR.3 furent déployés depuis les porte-avions HMS Hermès et Invincible, et le porte-conteneurs civil Atlantic Conveyor (celui-ci fut par la suite coulé par un missile Exocet). Leur disponibilité atteignit le taux sans précédent de 95, lors de près de 1 300 missions opérationnelles de support des troupes au sol, de défense aérienne, et de reconnaissance. Les Harrier inscrivirent à leur tableau de chasse 23 victoires confirmées et 3 probables, pour 5 pertes, toutes dues à la DCA (quatre appareils furent par ailleurs perdus suite à des accident de vol). A la suite de cette hécatombe, les pilotes argentins rebaptisèrent,t le Harrier "Muerte negra" (la mort noire). L'amiral Leach, chef d'état-major de la Marine déclarait en décembre 1982 que, sans les Harrier, "nous n'aurions pu aligner aucune force d'intervention et la reconquête des Malouines aurait dépassé les capacités de la Grande-Bretagne".
En 1990-1991, quatre escadrons d'AV-8B Harrier II (USMC), les VMA 231, 311, 331 et 513, furent déployés dans le Golfe depuis la base navale d'Al Jubail. Surtout engagée dans des missions d'interdiction, la flotte de 88 AV-8 subit cinq pertes en combat, du fait de missiles sol-air infrarouges, et deux lors d'accidents en vol. Les Harrier II étaient le plus souvent armés soit de CBU-58 et de Mk20 Rockeye (bombes à clusters), soit de bombes lisses Mk82 (227 kg) et Mk83 (454 kg). Un seul Sidewinder, sur le pylône extérieur gauche, était emporté pour le combat aérien. Des bombes au napalm furent également utilisées pour faire détonner les champs de mines irakiens. Quelques AGM-65E Maverick furent utilisés, le guidage étant effectué depuis le sol.
Avec trois mille trois cent quatre-vint sorties, les AV-8B larguèrent à eux seuls 2 700 tonnes bombes.
Les Harrier américains ont également été déployés en Bosnie et au dessus de l'Irak, pour faire respecter après la guerre du Golfe les zones d'exclusions aérienne.
Dans l'attente de mieux, les Harrier II+ et autres Sea Harrier devraient encore assurer la veille jusqu'en 2012. Alors le premier ADACV de l'histoire partira à la retraite, a priori remplacé par le JSF (Joint Strike Fighter) dont un des démonstrateurs est développé par Lockheed, avec la participation de BAe. Un JSF supersonique, lointaine descendant d'un certain ... P.1154RN.
(article paru dans Le monde de l'aviation n°9 de février 99, écrit par Jean-Marc Tangy)