Le JAS-39 Gripen
De Saab, Volvo, Flygmotor, Ericsson et FFV Aerotech

Caractéristiques du JAS-39 Gripen

Type : avion multirôle d'attaque, d'interception et de reconnaissance

Moteur :un réacteur RM-12, fabriqué par Volvo Flygmotor. Poussée à sec de 5 500 kgp, 8 200 kgp avec postcombustion.

Dimensions Masses
envergure
longueur
hauteur

8,4 m
14,1 m
4,5 m

masse à vide
masse en charge au décollage

6,6 t
13 t

Performances
vitesse maximale
plafond pratique

Mach 2
17 000 m

Armement : un canon Mauser Bk 27 de 27mm et 6 missiles air-air (4 missiles AIM-120 AMRAAM à guidage radar actif sous la voilure et 2 missiles infrarouges RBS-74 AIM-9P en bout d'aile sur rails. Missiles antinavires RBS-15F ou air-sol RBS-75 (AGM-65 Maverick).

 

Le dernier des Vikings
Le baroud d'honneur de Saab
 

Ultime évolution d'une grande lignée, ce magnifique chasseur multiple, le plus compact du marché, sera sans doute le dernier appareil militaire conçu par Saab. Avec 204 exemplaires commandés par la Suède, les plans de charge sont assurés jusqu'en 2007. Un seul espoir de faire durer la production au-delà : trouver des débouchés à l'exportation.

Après le programme Viggen, les observateurs internationaux s'attendaient à la fin de la quasi-autarcie de l'industrie aéronautique suédoise ; autarcie que le pays s'était imposé pour garantire sa neutralité … et ses plans de charges. Rien n'y fit : Saab et les équipementiers suédois décidèrent, une fois de plus, de voler en solo, plutôt que de construire un avion étranger sous licence. L'orgueil de la Flygvapnet (armée de l'air suédoise), qui souhaitait instamment un appareil adapté à ses besoins, la créativité de Saab et la volonté d'indépendance de la Suède ont fait le reste.

 Le B31 accouche finalement du Gripen

Curieusement, le Gripen (griffon en Suédois) est né d'un échec. Celui du Saab B31A, projet d'avion d'entraînement avancé (destiné à remplacer le vieux Sk60) et d'appui tactique, pour décharger le Viggen des misions air-sol. Ce projet de B31A à aile haute imaginé par Saab, priorité des priorités de la Flygvapnet, tourne pourtant court à la fin des années 70. Trop cher estime le Forsvarets Materiel Verk (FMV, la direction des programmes d'armement du ministère de la Défense suédois) et sans doute pas exportable, une donnée impérative dans le cahier des charges.
Le FMW pense alors acheter sur l'étagère mais n'en fait finalement rien. Et pour cause : La direction des programmes d'armement fait alors un virage à 180° et décide en mars 80 de lancer un appel d'offres pour trouver un successeur au Draken et au Viggen, Saab qui a manifestement prévu le changement d'orientation sort miraculeusement de ses cartons un projet désigné Saab 2105 et rend sa copie le 3 juin 1981. La proposition est acceptée sans retouche 6 mois après et le projet est désigné JAS-39 (JAS sont les initiales en suédois pour chasse, attaque, reconnaissance). Chez Saab, on dit alors que si les délais sont tenus, ce Gripen sera le premier chasseur multiple de sa génération à entrer en service, et pourra ainsi trouver plus facilement des débouchés à l'exportation. En effet, le calendrier est alors le suivant : premier vol en 1985-4986 et début des livraisons en 1990 ? Si le projet Saab est viable… Car, de son côté, le FMV ne ferme aucune porte et conserve une solution de secours : Acheter sur l'étagère des F-5G, des F-16, des F-18 ou des Mirages 2000.

 Recours aux composants étrangers

Le FMV abandonne dès l'or, pour des raisons d'économies, le "dogme du ratio minimum" (80% de composants nationaux dans les matériels), appliqué scrupuleusement sur le Viggen (85%). Saab prévoit à l'époque, un prix unitaire représentant 60% de celui du Viggen, pour une masse réduite de moitié, choix déterminé pour abaissé les coûts. Dans la même optique, il est décidé dès le départ, qu'il n'y aura qu'une seule version multirôle, et non cinq spécialisés comme se fut le cas pour le Viggen. Le réacteur est sur l'étagère : le F-404-GE-400 de Général Electrique (le moteur du F-18) qui, au prix de quelques modifications mineures, est adapté aux besoins suédois. Si le réacteur est américain, c'est Volvo Flygmotor qui le fabrique sous le nom de RM-12. Les commandes de vol électriques sont trop chères à développés, qu'importe ! Saab se les procurent auprès du britannique GEC qui, à l'époque commence à développer celles de l'Eurofighter. L'avionique est de la même manière achetée pour partie sur le marché international ou fabriqué localement. Ces dispositions permettent de contenir le budget recherche-développement selon les critères définis par le FMV.
Les premiers travaux de développement sur le Gripen débutent officiellement le 6 mai 1982 : le contrat de développement initial contient 5 prototypes monoplaces, et 140 exemplaires de série. Le cahier des charges demande que le Gripen soit capable de décoller des routes nationales en moins de 800 m, pour se conformer au dispositif de dispersion en cas de conflit (plan "base 90"). En outre, sa masse en missions d'interception ne doit pas excéder 8000 kg.
La construction du prototype n°1 commence en 1984. Moins de cinq ans plus tard, le 9 décembre 1988, le Gripen prend son envol dans le ciel suédois. Trois mois plus tard, c'est la douche froide chez Saab : Le 2 février 1989, l'avion est perdu suite à une défaillance des commandes de vol électriques. Les ingénieurs travaillent d'arrache pied sur le prototype n°2 pour tenir les délais, tout en revivifiant complètement le circuit de commandes de vol. Le programme de vol reprend finalement sans encombres le 4 mai 1990, avec l'envole du second prototype. Le premier Gripen de série suit en septembre 1992. Parallèlement Saab a développé une version biplace, modifiée à 60%. Ce "nouveau" Gripen, désigné JAS-39B, s'envole le 29 avril 1996.
Dès le début, les ingénieurs de Saab à Linkoping sont partis sur une optique monoréacteur, pour des raisons d'économies (le montant du programme de recherche-développement était limité à l'équivalant de 21 MdF et le prix unitaire devait rester inférieur à 200 MF) et …par habitude (un biréacteur est rarement un avion compact). Pour conserver un rapport poids-poussée supérieur à 1 en combat aérien avec un seul réacteur RM-12, les ingénieurs ont dessiné une plate forme compacte, la plus légère des avions de nouvelle génération. L'intégration des matériaux composites (20% de la masse de l'avion) est restée limitée par rapport à la concurrence, contraignant Saab à vider l'avion de tous ses raffinements. La masse a seulement augmenté de 500 kg par rapport au cahier des charges initiales, du fait des impossibilités techniques.
Par habitude encore, Saab a retenu une aile delta puisque la forme avait été éprouvée pour le Draken et le Viggen. Les plans canards sont en revanche complètement mobiles par rapport au Viggen. L'ensemble est géré par un système de commandes de vol à triple chaîne, deux électrique et deux analogique. Le système d'arme est intégré au radar doppler Ericsson PS-05/A. L'électronicien suédois affirme avoir réussit à doubler la capacité du radar, par rapport au Viggen, pour seulement 60% d'encombrement. En mode air-air, le PS-02/A assure une détection et une poursuite multicible et, en mode air-surface, une cartographie haute résolution et l'attaque d'objectifs terrestres et navals.
Le cockpit est articulé autour d'un collimateur tête haute fourmi par Kaiser et de trois écrans multifonctions monochromes développés par Ericsson et Saab Avionics. Les commandes principales sont regroupées sur un mini manche et sur la manette des gaz, selon le concept HOTAS (Hand On Throttle and Stick) maintenant standard sur les avions de combats modernes. Un système d'intercommunication (data link) baptisé SATS permet entre autre la transmission silencieuse de données entre appareil.
Le JAS-39 est armé d'un canon mauser Bk27 de 27 mm, démonté sur le biplace pour des raisons d'encombrement. En mission air-air, le Gripen emporte six missiles : deux RBS-74, la version locale de l'AIM-9P Sidewinder à guidage infrarouge, monté en bout d'aile et quatre AIM-120 AMRAAM à guidage radar actif, disposés sous les ailes. En mission d'attaque, le Gripen dispose de missiles air-sol Maverick (RBS-75) ou de l'antinavire longue portée RBS-15F.

 Production assurée jusqu'en 2007

Saab et ses partenaires travaillent déjà à l'amélioration de ces caractéristiques de base. Le Gripen devrait posséder une avionique plus moderne, comprenant des écrans couleur et un nouveau radar Ericsson à balayage actif baptisé AESA (Active Electronically Scanned Array) Dont un démonstrateur devrai voler en 2002. Ericsson projette la mise en service de ce nouveau radar pour 2010. Un viseur de casque est même en développement chez FFV Aerothec. Ultime raffinement, un détecteur infrarouge passif Saab IR-OTIS, monté devant le cockpit, est lui aussi prévu. A terme, le Gripen devrait aussi être équipé du missile à statoréacteur Meteor, proposé pour l'Eurofighter, missile dans lequel Saab-Bofors Dynamics est partie prenante. L'équipement avec le missile Taurus tiré à distance de sécurité (150 km), en développement entre l'allemand DASA et Bofors, semble moins assuré pour le moment, un engin de ce type étant jugé trop offensif pour un pays neutre. La Flygvapnet aura perçu au total 204 Gripen d'ici 2007, répartis en trois blocks. Les trente premiers Gripen block 1, tous des monoplaces ont été livrés en 1996-1997, aussitôt suivis de deux premiers exemplaires du block 2, dont le premier biplace de série (JAS-29B). Ce contrat Block 2, comprenant les modifications mineures, avait été signé le 26 juin 1992 pour 96 monoplaces et 14 biplaces. La commande d'un troisième block a été notifiée le 26 juin 1997, pour livraison en 2003-2007 (64 exemplaires dont 50 monoplaces).

 Exportation contrariée.

Dès le début l'intention de Saab plus fut de placer son dernier-né à l'export proposé en Finlande plus en Suisse en début de la décennie le Gripen ne réussit à pas à s'imposer face aux F-18, à chaque fois gagnant. Saab recherche alors un partenaire de poids pour prospecter le marché international : le choix se porte presque naturellement sur British Aerospace. Pour ce dernier et les manœuvres d'approche de Saab sont une triple aubaine : elle complète sa gamme export sans concurrence et ses propres produits (le Gripen s'inscrit entre le Hawk et l'Eurofighter), peuvent permettre d'engranger les plans de charges militaires à une époque où ils ne sont pas légion en Grande-Bretagne, et enfin, renforce la probabilité pour la Suède d'acheter à terme des avions d'entraînement Hawk, construit par... BAe. Un accord industriel entre Saab et British Aerospace et donc signé pour le marketing du Gripen au Bourget le 12 juin 1995. La rémunération de BAe et loin notre symbolique 45% de la charge travaille surtout les avions à l'export. Pour Saab, le calcul est simple : une liée aux fabriquées 55 pour cent des avions vendu à l'export que cent pour cent d'un avion suedo-suedois. Ce partenariat commercial est aussi une façon introduire des restructurations industrielles qui déjà, en 1995, semble inévitable, même pour les Suédois soucieux indépendants se... trois ans plus tard, les faits donnent raison : BAe a annoncé début mai le rachat de 35 pour cent de Saab. Pourtant le Gripen ne cherche encore son premier client à l'export de. Proposé à la Hongrie, à la Pologne, à la République tchèque, au Chili, à l'Afrique du sud voire Oman, le Gripen ne livrent un combat pour lequel il n'a finalement sans doute pas été conçu : Le combat économique.

 

Extrait d'une mission entraînement du capitaine Mikaël Seidel pilote sur Gripen au sein de la force aérienne Suédois.

Au centre d'analyse tactique et de planning je viens d'étudier la route et la cible qui m'ont été affectées. Toutes les informations sur les paramètres tactiques, la durée de navigation, la route empruntée pour atteindre la cible, les points de contrôles…ont été enregistrés sur l'unité de transfère d'information, pas plus grosse qu'un téléphone portable mais dotée d'une mémoire nettement supérieure. Elle sera chargée dans le système électronique pour m'assister dans ma mission. Après avoir enfilé ma combinaison de vol qui me permettra d'encaisser et surtout de tenir le choc à 9g, je prends une cassette HI-8 ordinaire, qui enregistrera tous les paramètres de vol pour le débriefing. Direction de l'avion, pour la visite pré-vol qui ne dure qu'un très court instant, à la surprise des pilotes étrangers. Je sais que je peux compter à 100% sur les mécaniciens et les techniciens qui ont préparé mon Gripen.

 un copilote virtuel

Une fois à bord de mon Gripen, je me sangle sur le siège éjectable. Revu de la checklist, tout est OK. Mise en route de l'APU (unité auxiliaire de puissance) qui donne immédiatement de l'air conditionné, je verrouille ma verrière.. poigné des gaz au ralenti, allumage du moteur. Soudain une voie m'annonce que les données de l'unité de transfert d'information avec les paramètres de ma mission sont acceptées et stockées : c'est la voie de mon ordinateur de bord qui m'assiste durant la mission, comme un copilote. Bien que très confiant, dans cet ordinateur, je jette un rapide coup d'œil sur le HSD (écran de visualisation horizontale placé au centre de la planche de bord) qui me donne une situation complète de l'avion. Pas de problème, les 25 systèmes "checkés sont OK. Près pour rouler sur le taxiway ! La mission consiste à rejoindre en un point précis un autre Gripen avant d'attaquer un pont. Le système de navigation me signalera le moment opportun pour procéder au décollage et rester dans les temps.
La tour de l'aéroport de Malmen me donne l'autorisation de rouler pour la piste 01. Au point d'attente, le système de navigation m'indique qu'il me reste 45 secondes avant de décoller. Mon "copilote virtuel" m'annonce : Take-off !

 Action

Manette des gaz poussée, frein serré, un coup d'œil sur les paramètres moteurs et je relâche les freins. L'avion accélère très rapidement, je passe les 200km/h et mon HUD m'indique que je peux procéder à la rotation, en moins de 500m. Je tire alors sur le minimanche et mon appareil décolle. A 300m d'altitude, ma vitesse est déjà de 600 km/h, je coupe la poste combustion et maintiens un angle de 20° de montée. Je passe sur le centre de contrôle d'Östagöta en atteignant l'autoroute E4. Montée à 2750 m, cap sud-est, j'entame un virage à droite. Mon altitude de mission atteinte, j'ai quelques minutes de pose et j'apprécie la vue exceptionnelle. Sur le HSD, je reçois les informations du trafique aérien et j'identifie, au-dessus de la mer Baltique mon rendez-vous qui vole vers notre point de rencontre. Je commence une descente pour atteindre une altitude de 20 m au-dessus de la surface de la mer. Mon HUD m'aide à réguler la descente et mon radar altimétrique s'est mis en marche. A Mach 0,8 et à cette altitude est fatale mais mon GPWS (système d'alerte de proximité du sol m'avertira en cas de d'anomalie de comportement. J'approche de mon point de rencontre avec l'autre Gripen, j'ai quelques secondes d'avance sur l'horaire. Le HSD m'indique que mon partenaire est à 20 km au sud en direction du point de rencontre et je corrige ma vitesse pour être parfaitement synchronisé. A 5 km du point, j'aperçois à l'extérieur la silhouette du Gripen.

 Attaque

Nous adoptons une formation d'attaque en prenant la direction de l'objectif. Je sélectionne mon armement, et je fais basculer en mode attaque le HUD. Montée, virage à gauche et le pont est en vue. Le HUD désigne parfaitement la cible. La distance de feu est atteinte et je presse le bouton de mise à feu. Dégagement rapide et un coup d'œil dans mon miroir pour vérifier que mon partenaire me suit en sortie de zone jusqu'au point de contrôle.
L'exercice est terminé et nous nous séparons. Il me reste assez de carburant pour m'accorder une récréation. Je passe en mode intercepteur sur mon écran, et je demande une autorisation au contrôle pour m'assurer qu'il n'y a pas de trafique autour.
Quelques acrobaties à grande et très basse vitesse pour sentir les limites de l'avion. J'encaisse jusqu'à 8 g, soudain une voie m'annonce que je vais atteindre une vitesse supersonique. Je réduis alors les gaz pour ne pas avoir à payer pour les bris de vitres lors de mon retour au sol.

 Retour à la base

Je presse un bouton qui me conduira en pilotage automatique en un point situé à 20 km de la piste. Une fois en approche, je réduis ma vitesse à 230 km/h avec un angle de 14° et l'avion se pose sans problème sur 500 m. Une fois stoppé, il est pris en charge par les techniciens qui examinerons l'enregistreur de vol pour détecter une éventuel anomalies. En 15 min, un autre pilote pourra repartire pour une autre mission. En quittant l'appareil, je récupère la cassette HI-8 pour le débriefing. Une sacrée journée.

 

(article paru dans Le monde de l'aviation n°5 de septembre 1998, écrit par Jean-Marc Tanguy)


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