Le SU-35 Super Flanker
De Sukhoï

Caractéristiques du Su-35MK

Type : chasseur monoplace naval multirôle

Moteurs : deux réacteurs Saturn / Lyulka AL-35F de 83,35 kN (8 500 kg) de poussée unitaire à sec et 137,28 kN (14 000 kg) de poussée unitaire en postcombustion

Dimensions Masses
longueur
hauteur
envergure
22,20 m
6,40 m
14,17 m
masse à vide
masse maxi au décollage
charge militaire
17 000 kg
34 500 kg
8 000 kg
Performances
vitesse maxi (haute altitude)
vitesse maxi (basse altitude)
plafond pratique
2 500 km/h
1 400 km/h
18 000 m
rayon d'action
rayon d'action maxi (ravitaillé)
4 000 km
6 500 km

Armement : un canon GCh-301 de 30 mm (150 coups) ; missiles air-air R-37, R-73, R-77 et Ks-172 ; missiles air-sol Kh-15, Kh-29, Kh-31, Kh-35, Kh-59M, Kh-65 ; 12 points d'emports

 

 

Sukhoï Su-35 "Super Flanker" Mission destruction

Le développement d'un nouvel avion de combat passe par une longue et curieuse période de gestation qui débute dès l'instant où le bureau d'étude donne les premiers coups de crayon et qui se termine par la production de série, voire la mise en service opérationnelle de celui-ci. Un rôle majeur est joué par le constructeur, en l'occurrence Sukhoï, car la route est longue entre la création d'un prototype et la production en grande série des avions. En Russie, au cours de ce long chemin parcouru par les équipes de Sukhoï dans le développement du projet, l'action de l'usine KnAAPO de la ville de Komsomolsk/Amour a été déterminant.
Les techniques de l'usine KnAAPO, spécialisée dans les produits "Sukhoï", ont entièrement repensé le Su-27 Flanker.
Plus de 50 000 modifications ont été nécessaires pour créer le Su-35 Super Flanker.
Selon les responsables de cet établissement, pour améliorer les performances en combat et développer le champ d'action du futur projet, il est nécessaire de créer un avion de combat multirôle et très maniable qui combinerait une haute agilité et une capacité d'intercepter des cibles aériennes et d'attaque au sol ou d'objectifs navals.
Le Su-35 est conçu pour détruire tous les engins pilotés existant ou en cours d'étude, et des missiles de croisière. Et ce, de jour comme de nuit et par tous les temps. Pour cela, tout en prenant comme base la cellule du Sukhoï Su-27 Flanker, il fallait installer dans le futur avion un système d'armes qui nécessitait l'introduction de nouveaux points d'emports, d'une structure renforcée, avec comme conséquence évidente, l'adoption d'un train d'atterrissage plus robuste.
Initialement désigné Su-27M dans la nomenclature du bureau d'étude russe, le biréacteur Sukhoï Su-35 est une version améliorée du Su-27, autrement dit le "Flanker" dans le jargon des militaires de l'OTAN. Le prototype de cette version a été exposé et présenté pour la première fois au public au salon britannique de Farnborough en 1992, et les avions de série devaient être mis en service dès 1995. Le développement du Su-35 a été dicté par deux critères principaux. Le premier met en pratique la notion de super manœuvrabilité qui semble le cheval de bataille des militaires russes pour les avions de la 4eme génération et qui nécessite l'installation de réacteurs à poussée dirigée. Le second affirme la puissance de feu et en particulier, la possibilité de tirer des missiles air-air vers l'arrière. Ce concept a déjà été validé sur le chasseur bombardier Sukhoï Su-34 qui a séduit les militaires. Partant de ce cahier des charges précis, l'équipe de Simonov s'est mis au travail pour développer un nouvel avion de combat à partir de la cellule du Su-27. En réalité, le Su-35 est un avion entièrement nouveau qui puise ses qualités dans l'arsenal technologique moderne, à la fois en terme d'aérodynamique, de structure et de système d'armes. On ne peut pas parler d'économie car les techniques adoptées sur le Su-35 font appel à des moyens modernes et par conséquent coûteux.
Les principaux changement – sur lesquels nous revenons en détail – concernent le radar, qui consiste en une nouvelle version plus puissante qui requiert une pointe avant redessinée, des plans canards appelés FHE (front horizontal empennage) identique à ceux de la version navale du Su-33, qui font plus exactement de cet avion un concept à "trois plans porteurs" et non pas à plan canard. Ces changements sont complétés par des moteurs plus puissants qui, pour la version de série baptisée Su-37, seront équipé de tuyère à poussée dirigée du nom de "Génération 4+", une optronique secteur frontal associée à de nouveaux capteurs infrarouges, un détecteur de départ missile (DDM) à infrarouges, une avionique entièrement nouvelle, des dérives agrandies et un nouveau carénage situé entre les deux moteurs, destinés à recevoir le nouveau radar air-air arrière. A ces changements viennent s'ajouter des modifications structurales internes très importantes et une forte utilisation des matériaux composites à base de fibres de carbone et de Kevlar.
Comme on le constate, le Su-35 n'a presque rien de commun avec son grand frère, le Su-27, dont il est pourtant de descendant direct.

Un avion à trois plans porteurs : Le pilotage du Su-35 associe la voilure, les empennages et les plans canards avant qui génèrent plusieurs fonctions simultanées. Dans un premier temps, ces FHE jouent le rôle d'un apex de voilure, c'est-à-dire d'un prolongement aérodynamique de celle-ci le long du fuselage, générant deux puissantes turbulences qui soufflent la couche limite (l'écoulement de l'air le long de la paroi) présente sur la partie central du fuselage. Ce soufflage de couche limite réduit le risque de décollement brutal de celle-ci et par conséquent le décrochage aérodynamique de l'avion en manœuvre de combat aérien, ainsi que le phénomène d'oscillations qui apparaît dans certaines confirmations de vol aux grands angles.
Le pilotage de ces FHE, qui associé au calculateur principal de commandes de vol, agit automatiquement en fonction de l'angle d'attaque de l'appareil, c'est-à-dire entre moins 50° et plus 10°. Aux grands angles, le FHE joue le rôle de fente aérodynamique, dans laquelle est canalisé le flux d'air créé par le flan avant vers l'extrados, c'est-à-dire la partie supérieur de l'aile. Cette technique, également utilisée sur notre Rafale, améliore sensiblement le rendement aérodynamique et réduit le facteur de charge – les efforts – de la voilure et des empennages, en répartissant les zones de pression sur l'ensemble de l'avion.

Un avion totalement instable : Le Sukhoï Su-35 est équipé d'un système de commandes de vol électriques bâti autour d'une instabilité de trois à cinq fois supérieur à celle du Su-37.Il faut savoir que ces avions de combat de nouvelle génération, équipés de commandes vol électriques, sont des engins conçus de manière volontairement instable et qu'ils sont "pilotables" grâce à cette instabilité. Enlevez-lui ses calculateurs et ses commandes de vol électriques et l'avion devient totalement "impilotable". Mais alors, pourquoi concevoir des instables s'ils ne tiennent pas en l'air ? Cette instabilité artificielle engendre une meilleur manœuvrabilité, en particulier au cours de vols à basse et très basse altitude ainsi que par forte turbulences, grâce à l'action conjuguée des FHE qui agissent comme amortisseurs de tangages. Les ingénieurs de Sukhoï, Simonov en tête, confirment que leur Su-35 peut atteindre et même dépasser des angles d'attaque de 120° sans qu'il y ait décrochage ou vrille. Ces qualités aérodynamiques ont été maintes fois misent en évidence avec la célèbre figure baptisée "Cobra" et réalisée par le pilote d'essai de Sukhoï : Pougatchev.
Cette extraordinaire maniabilité a obligé les ingénieurs à incliner le siège éjectable K-36, conçu par la société russe Zvezda, de 30° pour augmenter la résistance du pilote lors d'évolutions à haut facteur de charge.
Le système de commande de vol électriques du Su-35 est composé d'une chaîne numérique quadruplex redondante (comme sur les avions de transports commerciaux Airbus), c'est-à-dire que l'avion est équipé de quatre calculateurs reliés entre eux et que, en cas de défaillance de l'un d'eux, les trois autres sont capables d'assurer à la fois le contrôle de l'avion, mais aussi ses fonctions vitales.
Le cas statistiquement très improbable, d'une panne générale des quatre calculateurs n'est pas envisagé par le concepteur. Si cela arrivait, il ne restera alors au pilote qu'une seule issue : s'éjecter !
Le Su-35 met en application ce que l'on est en mesure d'appeler le "tout automatique". Un équipement automatique de contrôle de vol permet au pilote de passer en mode automatique sur l'ensemble de phases de la mission et la gestion des armements. Dès que cette équipement automatique reçoit les informations du système de navigation, il résout la navigation vers le ou les objectifs de départ, procède automatiquement aux manœuvres d'approche et d'atterrissage jusqu'à une altitude de 60 m et, naturellement, identifie les cibles et assure le contrôle et le guidage de missiles.

Il tire ses missiles vers l'arrière : L'avion met en œuvre un concept intéressant en matière de combat aérien avec l'installation d'un équipement de tir de missiles vers l'arrière, validé sur le Su-37. Cet armement permet le tir de missiles air-air de type R-73. Sur les avions de série, on constate que cet équipement est masqué par un cône situé légèrement au-dessus des deux moteurs et qui est éjecté au moment du tir. Il faut également souligner que les dérives verticales au moment du tir. Il faut également souligner que les dérives verticales ont été modifiées pour prévenir les problèmes d'instabilité susceptibles de se produire peu après le tir. Les rails de guidage des missiles sont équipés de cartouches de gaz qui les propulsent rapidement vers l'arrière, en complément de la mise à feu classique du missile. En réalité, le concept technique de tir des missiles n'est pas très clair. Peu de photos ou de documents expliquent correctement la manœuvre. Seuls les documents pris sur les avions opérationnels pourront à l'avenir nous expliquer exactement leur fonctionnement.
Sur le plan purement opérationnel, le Su-35 est un avion de supériorité aérienne qui disposent également de moyens d'attaque au sol particulièrement efficaces grâce à sa capacité d'emport externe.

Une conception moderne : Sur le plan strictement structural, le Sukhoï Su-35 présente des différences notables avec le Su-27. Tout d'abord l'intégration de matériaux composites dans des éléments de structure de la voilure confirme la volonté de modernisation et de besoin d'allègement de l'appareil. En fait tout un travail de conception optimisée de la structure a été réalisé par l'équipe de Simonov. Cette reconception passe naturellement par l'emploi de nouveau matériaux, mais aussi et surtout par un "redimensionnement" des éléments de structure qui la compose. Le nombre et les dimensions par exemples, de certains longerons de l'aile du Su-35 est entièrement nouvelle. Elle a été redessinée avec un profil qui représente une épaisseur relative plus importante et une plus grande capacité d'emport de carburant. Comparée à celle du Su-27, la voilure du nouvel appareil est équipée de nouveau dispositifs hypersustentateurs qui comprennent des becs mobiles de bord d'attaque et des flaperons, c'est-à-dire des volets de courbure et les ailerons. En vol, aux vitesses supersonique, la cambrure du profil de l'aile est modifiée par un système automatique qui fait varier les becs de bords d'attaque et les volets en fonction de l'angle d'attaque de l'avion. Il en est de même pour les deux dérives verticales qui ont été agrandies et allégées. Ces dernières ont également été modifiées pour recevoir un réservoir structural de carburant améliorant ainsi la distance franchissable de la machine.
A ces modifications structurales, il convient d'ajouter celles qui concernent plus précisément le cockpit. Sur les versions de série, il est en effet d'ores et déjà prévu d'installer un minimanche latéral pour le pilotage, à la place du manche à balai traditionnel.
L'équipement de ce cockpit n'a rien de rien nouveau par rapport à un avion de combat occidental ou américain. Des visualisations "tête haute" et "tête moyenne" complètent des instruments à tubes cathodiques (EFIS) qui regroupent les différentes fonctions du bord (gestion des paramètres de vol, du système d'armes, des moteurs, des communications, des contre-mesures électriques, etc.). Il faut également préciser que la capacité en oxygène nécessaire au pilote a été sensiblement augmentée.
Les Sukhoï Su-35 et Su-37 ont le mérite d'être les premiers avions de combats multirôles de la force aérienne russe avec une mise en service au début du XXIe siècle. Mais le constructeur ne souhaite pas en rester là et propose ses appareils à qui veut bien lui en acheter. Dans un premier temps, des accords de coopération technique et de sous-traitance d'élément de structure vont permettre d'attirer les clients. Les constructeurs russes se trouvent, depuis la désintégration de l'URSS, dans la situation des Européens et des Américains. C'est-à-dire que pour vendre leur matériel, ils devront revoir leurs règles commerciales et politiques. Car proposer un avion performant et efficace n'est plus une condition suffisante.

(article paru dans Le monde de l'aviation n°3 d'avril 98, écrit par Alain Brun)


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